En 1978, une première pierre avait été posée en Espagne en faveur de l’égalité entre tous les citoyens. Pourtant, pendant 30 ans, la principale communauté étrangère en Espagne, les marocains en avaient été exclus.
La vie publique et politique espagnole fût dirigée par le régime autoritaire et militariste du Général Franco (1935-1975). Après sa mort, c’est à la période dite de « transition démocratique » que la Constitution espagnole a été écrite, adoptée et validée par référendum en 1978. Et déjà, l’Espagne a mis dans sa Constitution le droit de vote des étrangers aux élections municipales sur la base de la réciprocité. Pour être plus précis, à l’article 13 de la Loi Fondamentale, il est dit que « seuls » les Espagnols seront titulaires des droits reconnus à l’article 23, exception faite, en vertu de critères de réciprocité, des dispositions que pourra établir un traité ou une loi concernant le droit de suffrage actif ou passif aux élections municipales ». Le droit de vote fait partie des « droits reconnus à l’article 23 » lequel précise que « les citoyens ont le droit de participer aux affaires publiques, directement ou par l’intermédiaire de représentants librement élus à des élections périodiques au suffrage
universel ». Enfin, la Constitution espagnole a eu une révision (consécutive au traité de Maastricht en 1992) ajoutant au droit de vote celui de pouvoir être élu à l’échelon municipal, et ce, uniquement pour les ressortissants des pays reconnaissant ces mêmes droits aux résidents espagnols (cf. Hervé Andrès, « Réciprocité et droit de vote des étrangers en Espagne et au Portugal », Pages Europe, 4 mars 2013 – La Documentation française).
Le Principe de réciprocité
Comme dit ci-dessus, le droit de vote des étrangers en Espagne n’est possible qu’à la seule condition de respect du principe de réciprocité avec les citoyens originaires d’un tiers pays. ,De plus, les conditions pour un citoyen dont son pays d’origine a conclu ses accords sont qu’ils doivent être titulaires d’une autorisation de résidence en règle ; être résident en Espagne de façon ininterrompue pendant les cinq années précédant leur demande d’inscription sur la liste électorale et voter dans la commune d’Espagne où ils ont leur résidence habituelle. Ce principe de réciprocité était assez restrictif car non seulement le gouvernement de droite conduit par José María Aznar puis la 1ère mandature du gouvernement de gauche de José Luis Rodríguez Zapatero (période marquée par les régularisations massives de travailleurs sans-papiers) ont été très hostile à reconnaître ce droit à tous les résidents étrangers.
Selon Hervé Andrès, l’Espagne exige non seulement que les États accordent le droit de vote aux Espagnols, mais également que cet accord repose sur un dispositif juridique contraignant (traité, convention, échanges de notes diplomatiques formalisant l’accord).
Puis, dès 2008, José Luis Rodríguez Zapatero a mené une politique extérieure assez offensive avec un ambassadeur chargé de mettre en application les accords de réciprocité et d’aller en conquérir de nouveaux.
Faible taux de participation
C’est une avancée puisqu’un tiers des résidents étrangers disposent du droit de vote, s’ils remplissent les conditions de majorité et de résidence. Cependant, aux élections municipales de 2011, le taux d’inscription sur les listes,électorales spéciales a été très faible (de l’ordre de 14 % de l’électorat potentiel, selon certaines sources). Les électeurs extracommunautaires inscrits ont été environ 46 000, et donc dix fois moins nombreux que les électeurs citoyens de l’UE (cf. Institut national de la statistique sur les résultats aux municipales de 2011). Enfin, nous pouvons dire que l’Espagne peut aller plus loin car ces progrès accumulés dans le domaine de l’égalité sont acquis et irréversible. Ce pays nous montre, à nous Français, que l’évolution vers de nouveaux droits sans aucune conséquence négative sur la vie sociale et citoyenne d’un pays longtemps torturé par ses fantômes totalitaires est possible.
Slimane Tirera