Le Parti Radical de Gauche a mis en place un Tour de France pour débattre du droit de vote des étrangers. Julie Hollard, à l’initiative de cette tournée, nous en confie la teneur.
Au milieu d’un auditoire très sérieux, une petite fille, avec d’immenses yeux, lève le doigt comme à l’école : « qu’est-ce que c’est qu’un étranger ? ». A la tribune, Julie Hollard, lui répond tendrement : « On est tous sur la même planète, personne est étranger ». Derrière cette tendresse, se cache une volonté « inconditionnelle », medit-elle, de faire aboutir le droit de vote pour tous.
Maitre Julie Hollard est avocat de profession, cette trentenaire appartient au comité exécutif du Parti Radical de Gauche (PRG), responsable « Justice et Droits Nouveaux », candidate aux municipales de
2014 sur la liste PS-PRG, dans le XIXème arrondissement de Paris. C’est elle qui a convaincu la direction du PRG, toujours à la pointe des combats de liberté, de faire cette tournée dans toute la France pour débattre sur le droit de vote des étrangers. Le sourire aux lèvres, Hollard se souvient de Julie, déléguée de classe en 6ème, en 5ème, battue en 4ème et en 3ème, mais réélue en seconde, et qui, en plein conseil de classe, a défendu avec fougue un de ses camarades de classe : « non, c’est pas possible : il ne doit pas redoubler !». Aujourd’hui, c’est avec tout autant de fougue, mais avec méthode, qu’elle œuvre pour que la société française ne redouble pas.
Et ça marche, débat après débats. D’est en ouest, du sud au nord de l’hexagone, « il n’y a pas un seul débat qui se ressemble » m’assure-t-elle. A Aulnay- Sous-Bois (dans le 93), où cette tournée débat a commencé le 28 février 2013, 300 personnes se sont entassés dans la salle Jacques Prévert. « On y a même refusé des gens. Avec des interventions pertinentes d’élus communistes, les Verts, des acteurs associatifs tels que Samuel Thomas des Maisons des Potes ou Pierre Tartakowsky de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH)». Avant Villeurbanne près de Lyon, et Paris, Caen, Laval, Chalons sur Saône, Nîmes, Dunkerque, il y a eu cette année « Blois, en présence de tous les partis de gauche ; Nice, en présence du Modem ; Strasbourg,où avec les jeunes c’était plus spontané ; à Agen, où avec la LDH on a eu une approche historique et philosophique. » Contrer l’argument d’une citoyenneté réservée aux nationaux D’ailleurs, et sans même revenir à la Révolution Française qui avait permis le droit de vote pour tous, revenons en février 1992, où sous l’impulsion du Traité de Maastricht, la Constitution française a été modifiée en septembre 1992 et proclame depuis que « le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France ». Ainsi, récapitule pour nous le site Vie-public.fr : « les ressortissants des pays de l’Union européenne ont pu voter pour la première fois aux élections européennes en 1999 et aux élections municipales en
2001. Le droit de vote des étrangers à ces élections a été intégré à la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne en 2001 ».
Pour l’avocate Julie Hollard : « on a fait le lien entre citoyenneté et droit de vote. « C’est-à-dire qu’on a réussi à déconnecter la citoyenneté de la nationalité ».
Évidemmentquand elle entend les arguments de la droite « il n’ont qu’à demander la nationalité », elle comprend que c’est une façon de dire non, et surtout de ne pas progresser sur ce débat qui opposait déjà en leur temps les philosophes Rousseau et Sieyès. Le premier est pour une souveraineté populaire et donc un suffrage universel où tous les résidents du territoire sont citoyens et ont donc tous le droit de vote. Et le second était pour la souveraineté nationale où seuls certains parmi la population sont choisis pour jouir de leurs droits, comme dans le système du suffrage censitaire avec l’argent comme critère de droit de vote. La démocratie populaire contre la démocratie sélective.
« L’argument avancé par les opposants au droit de vote et d’éligibilité des résidents non communautaires, selon lequel la citoyenneté serait indissociable de la nationalité n’apparaît plus fondé dès lors que le traité de Maastricht opère une dissociation entre nationalité française et citoyenneté européenne » rappelle le site Vie-public.fr. Julie Hollard revient sur l’argument de demande de nationalité de la droite : « pour nous, Radicaux de Gauche, demander une nationalité, c’est une liberté. Si tu vas vivre 15 ans au Canada, même si tu t’y plais, tu n’as pas forcément envie de prendre la nationalité ». C’est ton choix. C’est ta liberté. L’autre argument phare des conservateurs est l’argument communautaire : le droit de vote des étrangers favoriserait la préférence communautaire, communauté réelle ou fantasmée. Ce qui est totalement faux. « Aux élections prudhommales, professionnelles, et sécurité sociale, et ailleurs, où les étrangers ont le droit de voter, il n’y a pas de vote partisan (ou religieux). Ni même de vote politisée, ils votent dans l’intérêt de leur profession : les serveurs étrangers votent dans l’intérêt des serveurs, les boulangers étrangers votent dans l’intérêt des boulangers, etc. ». On parlera alors de citoyenneté sociale. Même chose pour le préjugé comme quoi les étrangers seraient tous de gauche. « Ils votent autant à gauche qu’à droite. » Finalement, ces arguments font écho aux arguments brandis à l’époque contre les militaires, les Français d’Outre-Mer, puis contre les femmes : « les Femmes n’ont pas d’âme, les Femmes devraient s’occuper des affaires privées et non de politique, les Femmes seraient trop influencées par l’Eglise ». Pareil, l’argument communautaire est une redite passéiste.
Dolpi