Discriminations. « L’état d’esprit est à la conquête de nouveaux droits »

Discriminations. « L’état d’esprit est à la conquête de nouveaux droits »

L’Humanité publie en exclusivité un sondage réalisé pour la Maison des potes, qui démontre que plus de deux Français sur trois soutiennent l’égalité d’accès aux droits entre nationaux et étrangers. Les mesures contre les préjugés raciaux proposées par l’association remportent l’adhésion.

Le contexte de racisme ­décomplexé, l’impact des attentats auraient pu laisser croire à la chute brutale des valeurs de solidarité et d’accueil en France et dans les pays voisins, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Allemagne. Ce n’est pas le cas. Plus de 83 % des Français, des Allemands, des Italiens considèrent que, à travail égal, la rémunération, la retraite et les ­indemnités chômage doivent être les mêmes pour tous, nationaux et étrangers ; 82 % sont favorables au renforcement des sanctions juridiques contre les employeurs coupables de discriminations ; 76 % soutiennent le principe d’actions collectives en justice. « Les résultats de notre premier sondage réalisé en octobre dernier avaient déjà été une énorme et heureuse surprise. Cette deuxième édition confirme la force du soutien des opinions publiques européennes à nos sept mesures pour lutter contre les discriminations », se réjouit Samuel Thomas, vice-président de la Maison des potes.

Une opposition franche à la préférence nationale

L’enquête, commandée par la Maison de potes à l’institut Louis Harris, réalisée en ligne du 13 au 18 octobre auprès d’un échantillon de 3 400 personnes représentatives de la population âgée de 18 ans et plus de France, d’Italie et d’Allemagne (le premier sondage concernait l’Espagne, le Royaume-Uni et la France) confirme la résistance des ressortissants de ces pays aux injonctions d’exclusion des étrangers. « Entre 80 et 90 % des sondés s’opposent à la préférence nationale. Contrairement à ce que l’on nous assène chaque jour : le Front national et la droite extrême n’ont pas gagné la guerre culturelle », défend Samuel Thomas. Son analyse repose sur les réponses obtenues à deux questions sensibles. D’abord permettre aux étrangers qui travaillent ­légalement de devenir fonctionnaires. Près de 70 % des Allemands et des Italiens sont pour. Les Français sont plus timorés mais majoritaires à penser que cela serait une bonne chose (51 %). Quant à accorder le droit de vote aux étrangers extracommunautaires, aux élections municipales et européennes, Italiens et Allemands se prononcent favorablement à plus de 55 %. Les Français sont, là encore, plus réticents mais tout de même 47 % à soutenir le principe. Au début du quinquennat de François Hollande, ils étaient pourtant 59 % (source : Harris Interactive). Le scepticisme gagne du terrain au moment où le candidat Hollande abandonne sa proposition numéro 50. Le coup de grâce est donné par le premier ministre, Manuel Valls, qui déclarait, il y a un an, aux étudiants de Sciences-Po Paris, à propos du vote des étrangers : « Il ne faut pas courir après des totems. » Reste qu’en France, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne, comme le montrait le sondage de l’année dernière, plus de deux personnes sur trois sont favorables à quatre mesures préconisées par la Maison des potes, dont l’égalité des droits en matière de travail et de protection sociale.

« Cela éviterait ce qu’ont vécu les salariés marocains de la SNCF, dont le déroulement de carrière, les salaires et les retraites étaient minorés par rapport à leurs collègues français. Ils ont dû défendre leurs droits devant les tribunaux », estime Samuel Thomas.